
Avec Vincent Cassel, Olivier Barthélémy, Justine Lerooy, Vanessa Decat, Pierre Boulanger...
Synopsis : Patrick et Rémy n'ont ni langue, ni pays, ni armée : ils sont roux. Ensemble ils vont combattre le monde et sa morale, dans une quête hallucinée vers l'Irlande et la liberté.
Ma Critique : A peu près 3 ou 4 mois, c'est ce que j'ai attendu pour voir Notre Jour Viendra sortir en salles en Septembre parce que j'avais appris que Vincent Cassel et Olivier Barthélémy jouaient deux roux mal dans leur peau, et seraient mis en scène par Romain Gavras du Koutrajamé. Cet homme, fils de Costa Gavras (cinéaste respectable à mon goût) qui s'est déjà penché sur le sujet des cheveux roux en signant un clip controversé, choquant, insoutenable pour la chanteuse M.I.A. « Born Free » où une rafle de roux se fait par l'armée américaine avant de les foutre dans un bus qui les mèneront dans un désert californien truffé de mines qui les feront exploser au ralenti, créant une polémique folle aux States et en France, censure sur youtube. Et puis il avait fait un autre clip choc, à savoir Stress de Justice qui mîmait un reportage sur des casseurs mettant le feu à une banlieue parisienne (ainsi qu'une vidéo sur leur tournée, A Cross the Universe)... Romain est un cinéaste disons-le plutôt prometteur, même si son discours à la sortie de son film était du genre « J'ai fait le film dont j'avais envie, je m'en fous si les gens le reçoivent pas » ce qui est pas très correct de la part d'un sacré pistonné d'une vingtaine d'années qui vient de démarrer sa carrière ! Bref il vient de commencer avec un ego, mais son premier film est clairement incroyable.
Après un trailer très bien foutu qui m'a presque rendu fou tellement il était énigmatique, puis par une bande-annonce qu'il était un peu moins, il sort au cinéma. aucune salle le diffusait dans ma région, introuvable sur le net, inexistant dans la Fnac au moment où je vous écris ces lignes... Je viens de le voir ce soir par cas de force majeure après 4 mois de sa sortie. Si je m'intéresse autant à ce film c'est pas parce que je suis roux, mais que je voulais absolument voir l'approche qu'allait mener Gavras sur un sujet que presque personne n'a jamais touché à part lui. Les roux sont parfois victimes d'un racisme ordinaire, qui peut partir du légèrement sympathique jusqu'à un rejet pouvant entraîner la perte de l'identité du rouquin. Pourquoi ? Jamais su. Certains le prennent bien ou font avec. D'autres sont mal dans leur peau. Patrick et Rémy le sont, et ce film est leur odyssée. Ce n'est pas un film sur les roux à proprement parler, non. Les roux sont un exemple comme un autre, le scénario traite de toutes formes de racisme ordinaire et de ségrégations, ou encore de ce qui se trame dans la tête des jeunes...
Gavras filme avec beaucoup de passion son sujet, même si l'histoire peut paraître un tantinet décousue voire même totalement absurde (parce qu'au final, Vincent Cassel a beau en faire des caisses, on sait pas ce qu'il veut...) a base de travellings, caméras embarquées ou plans d'ensembles vraiment sensationnels, on sent le frais, le cinéaste qui débute. Le duo Vincent Cassel/Olivier Barthélémy dans leur relation attachante de grand et petit frère est juste étonnant, respectivement confirmé, excellent comme d'habitude et l'autre pré-nommé aux Césars du meilleur espoir masculin après deux véritables rôles (Après Sheitan de Chapiron) et une vingtaine d'année. Les images sont très fortes, surtout grâce à la photographie que l'on doit à Kim Chapiron (Photographe de plateau, qui fait parti du Koutrajamé – Sheitan, Dog Pound -) et portées par la musique à mi-chemin entre classique piano puis aux touches éléctroniques composées par SebastiAn.
La première partie du film nous installe dans le décor Nord Pas-de-Calais très laid, à la population et aux mœurs presque détestables par la monotonie de la région et de la mocheté du paysage que ce soit par les autoroutes ou usines. (Mais croyez-pas j'aime bien le Nord moi !). Il y a cet adolescent roux Rémy perdu entre sa mère et sa soeur, fan de l'équipe d'Arsenal, rejeté dans son équipe de foot, perdu dans sa sexualité, traumatisé par sa primaire. Puis il rencontre Patrick, psychologue roux lui aussi, qui va l'emmener en quête dans le Nord. Le premier de ces deux compères veut partir en Irlande rejoindre ses amis roux, le second lui explique que si tous les roux partent en Irlande vivre avec les autres roux cela n'a plus aucun intêrèt. Il veut être le messie. Les 45 dernières minutes manquent peut-être un peu de rythme, la partie dans l'hôtel est plus que malsaine notamment pour la scène du Jacuzzi.. Mais après ça, le fin du film est juste époustouflante, les 20 dernières minutes à couper le souffle, du rasage de Rémy dans la pharmacie et la scène du mariage qui s'en suit, la démarche des deux roux et leur combat à l'arbalète dans le coin industriel de Calais contre les ouvriers, le ferry prêt à être rempli uniquement de roux cherchant à aller eux aussi en Irlande... Jusqu'à la dernière scène, particulièrement émouvante.
Suicide commercial bien évidemment, Gavras présente son film comme une comédie dramatique romantique.
Une sorte de Road-Movie halluciné rappelant Les Valseuses de Blier., malsain, ironiquement optimiste, choquant, frustrant mais surtout très touchant. La quête de deux roux dans une société dominée par le racisme ordinaire et la violence. Un petit bijou français de 2010, sans doute celui que j'attendais depuis quelque temps et qui aurait pourtant pu ne pas tenir ses promesses ou plutôt celui que j'aurais aimé réaliser, mais détruit par la critique.
« Ma chevelure vous irrite ? Je la laisserais pousser. Mes actions, mes attitudes vous dérangent ? Je les amplifierais. Et quand un jour je resterais indifférent face à vous, et que je pourrais être celui que je dois être. Ce jour là, malgré ce dégoût, cette honte, vous m'aimerez. Pour ce que je suis. » Voici un making-of très fort du film, réalisé par le co-scénariste Karim Boukercha, qui vous permettra de voir les images les plus fortes du film, si vous n'avez pas la motivation ou l'occasion de le voir.